PENSER FAIRE / Colloque Université Libre de Bruxelles 2020

Penser - Faire
Les enjeux théoriques et pratiques des revalorisations du
faire en architecture
/ Thinking - Making. Perspectives on the growing prominence of making in architecture


Faire et penser en situation
Expérience pédagogique au Mas de Mirabeau - Fabrègues (France,
Hérault)
Proposition de l’équipe enseignante de l’ENSA Montpellier - domaine d’étude
« Situation-s », s’inscrivant au croisement des axes 2 (Acteurs et engagement) et axe 3
(Pratiques, matériaux et outils).
Khedidja Mamou (MC SHSA), Jean-Paul Laurent (MC STA), Yannick Hoffert (MC TPCAU)


Cette proposition de communication s’appuie sur un travail de 3 années portant sur les territoires ruraux sous influence urbaine à proximité de Montpellier. Le territoire est abordé au travers de situations (nom de notre Domaine d’études de Master) plaçant des groupes d’étudiants au plus près du réel, dans le rapport à la matière et la construction, et aux acteurs et habitants d’un territoire. Le Faire est envisagé comme une action sur le réel, participant de sa connaissance et engageant sa transformation (Dewey, 1938). Convaincus que la pédagogie, dans ses thèmes, modalités mais aussi dans l’organisation collective (ce que nous appelons situation pédagogique) nous informe sur la question de la discipline et de la profession, voire met en place les conditions d’émergence de ces pratiques, il nous parait important d’en faire un espace fort d’expérimentation à visée critique et transformatrice. Nous proposons de revenir sur une expérimentation pédagogique débutée en septembre 2018 sur la commune de Fabrègues au sein d’un mas agricole en mutation. Notre occupation du lieu se fait simultanément au déroulement opérationnel du projet1 qui est aujourd'hui dans sa phase de programmation. L’expérimentation qui fera l’objet de cette communication débute en septembre 2019 et inscrit son originalité dans une réponse à l’appel à projet « fab-city campus 2020 »2, portée en partenariat avec des acteurs locaux3, en proposant une approche située et territoriale de cette thématique. Les constructions à échelle 1 au sein du mas mobiliseront les ressources disponibles sur le territoire. Le ré-emploi envisagé comme démarche processuelle intégrant incertitude et expérimentation (Ingold, 2018) nous semble être une entrée particulièrement féconde pour repenser le lien entre conception et fabrication. Au delà de la seule dimension technique, pour être (in)formatrice et transformatrice, la question posée doit être envisagée plus largement selon nous, dans un contexte identifié, une situation territoriale déterminée, un groupe social défini, en considérant les mutations actuelles de la société (Dewey, 1938 ; Magnaghi, 2003). Intégrer la question dans ces dimensions plus globales nous semble être la meilleure façon de renouer avec l’innovation technique, fondée à la fois sur une idéalité et une prise avec le réel. Cette « prise en main », passant par le faire, retravaille de manière plus fluide (Ingold 2018) le lien entre imaginaire technique et imaginaire social et permet de re-mobiliser autrement la pensée utopique en l’ancrant dans une situation (Gwiazdzinski 2016). Nous reviendrons au préalable sur la notion de culture constructive en nous intéressant à définir les cultures émergentes ou alternatives en écho à LA culture dominante, en particulier à travers 3 entrées: la liaison, la tolérance, la transition. Nous présenterons dans un second temps le dispositif d’expérimentation. La réflexion autour du penser-faire est envisagée à plusieurs échelles, approches, et modalités pédagogiques et territoriales sur lesquelles nous reviendrons. Il en sera de même pour le dispositif réflexif d’observation engageant enseignants et étudiants. Nous faisons l’hypothèse qu’une telle expérimentation partagée par le faire nous amène à reconsidérer les rapports entre faire et savoir / conception et réalisation / théorie et pratique et permet de mettre en oeuvre des configurations permettant de prendre le risque de l’ouverture et de la dynamique instituante (Nicolas-Le Strat, 2015). En dehors de la façon dont les gens font ensemble, il nous parait intéressant d’analyser la façon dont ils se représentent ce qu’ils sont en train de faire : comment décrivent-ils le fait de construire, notamment ensemble ? Quelles valeurs mettent-ils derrière ce qu’ils font ? Etc. Enfin, nous tenterons de montrer selon quelles modalités (techniques, sociales, professionnelles
et politiques) se construisent ces types de dispositifs et quelles perspectives ils ouvrent en termes de mutation des cultures constructives et plus largement professionnelles.
1  Projet d’Agro-écopole, reconnu site pilote pour la reconquête de la biodiversité, porté par la commune de
Fabrègues et le Conservatoire des Espaces Naturels Languedoc Roussillon.
2 «  Initiative pédagogique sur le réemploi, le surcyclage, le biosourcé et l’analyse des cycles de vie » AAP du
MCC
3  CENLR, Commune de Fabrègues, INRA SUPAGRO

Bibliographie indicative
AUSTIN John langshaw (1957), Quand dire c’est faire, Points.
DEWEY John (1938), Experience and education, Kappa Delta Pi.
GWIAZDZINSKI Luc (2016), Nouvelles utopies du faire et du commun dans l’espace public, Les
Cahiers du développement urbain durable, Observatoire universitaire de la Ville et du
Développement Durable, p. 123-144.
INGOLD Tim (2018), Faire, Anthropologie, Archéologie, Art et Architecture, Paris: Éditions Dehors.
ILLICH Ivan (1973), La convivialité, Paris, Édition du Seuil
MAGNAGHI Alberto (2003), Le projet local, Éditions Mardaga, Liège.
MORIN Edgar (2005), « Réalisme et utopie », Diogène, vol. 209, no. 1
NICOLAS-LE STRAT Pascal (2015), Agir en commun, Agir le commun, Saint-Germain-sur-Ille,
Édition du commun
SENNETT Richard (2008), Ce que sait la main, La culture de l'artisanat, New Haven, Yale
University Press.
SCHÖN Donald (2011), “Savoirs théoriques et savoirs d'action"
VILLORO Lui (2005), « La triple confusion de l'utopie », Diogène, vol. 209, no. 1